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À l’image du reste de la planète, la Tunisie fait face au COVID-19 de la famille du coronavirus. Même si aucun remède n’a été identifié pour le moment, les laboratoires de recherche annoncent des avancées significatives dans ce sens, certains ayant déjà entamé des essais cliniques.
Le coût du médicament est une épineuse question sur laquelle devront rapidement se pencher les États dès à présent. En effet, l’existence d’un médicament ne signifie pas qu’il soit abordable, accessible ou duplicable. Les restrictions posées par les brevets et autres mesures monopolistiques constituent l’un des principaux obstacles pour soigner les malades.
Toutefois, l’Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC), et que la Tunisie a signé en 1994 à Marrakech, prévoit dans son article 31 de passer outre les entraves des brevets en situation « d’urgence nationale ou d’autres circonstances d’extrême urgence », par la mise en place d’une licence obligatoire. Ainsi, la Tunisie pourrait « casser » le brevet et produire le médicament localement selon une série de dispositions précisées par l’accord.
La loi tunisienne n° 2000-84 du 24 août 2000, relative aux brevets, précise cette possibilité de recourir aux “Licences d’office” comme exception aux droits de propriété intellectuelle notamment par son Chapitre XI (Articles 78 à 81) intitulé “Des licences d’Office ». Cette flexibilité vise à protéger la santé publique en cas d’urgence nationale sanitaire à l’instar de la pandémie du Covid-19 déclarée par l’OMS le 13/03/2020[i].
La Tunisie dispose donc des outils nécessaires lui permettant de recourir aux licences d’office si les prix des produits de santé sont excessivement chers et/ou si les quantités mises à la disposition de la Tunisie ne sont pas suffisantes pour couvrir le besoin national urgent.
Plusieurs pays ont décidé de recourir à de telles mesures : l’Équateur[ii] et le Chili[iii] ont déjà adopté des textes de lois en la matière. Le Canada[iv] ou l’Allemagne[v], deux pays développés et fervents défenseurs de la propriété intellectuelle, sont en train d’étudier cette question. L’adoption d’une telle mesure ferait gagner du temps aux patient.es Tunisien.nes, permettant ainsi de sauver des vies et de réduire le coût pour la Caisse nationale d’assurance maladie.
Cette crise mondiale attire la convoitise de certains groupes de l’industrie pharmaceutique. Début mars 2020, alors que peu de personnes étaient infectées aux États-Unis, le laboratoire américain Gilead a demandé d’inscrire le Remdésivir, une molécule prometteuse contre ce virus, sur la liste des médicaments pour maladies rares auprès de l’autorité de régulation du médicament, la Food and Drug administration (FDA). Cette inscription octroie une exclusivité d’exploitation plus longue avec des soutiens sur fonds publics. La FDA l’a acceptée, mais Gilead l’a retirée à la suite des pressions d’organisations non gouvernementales œuvrant pour l’accès aux soins[vi].
Nous pouvons également citer le laboratoire suisse Roche qui garde secrète la technologie de son dépistage du COVID-19, alors qu’une généralisation des tests l’un des moyens les plus efficaces pour juguler la maladie selon l’Organisation mondiale de la Santé[vii].
La propriété intellectuelle a souvent été utilisée dans les traités de libre-échange comme un instrument de domination des pays développés contre les pays en voie de développement. Ces derniers sont en effet obligés de payer au prix fort le coût d’accès au savoir et à la connaissance qui aurait pu sauver des vies. Bien que le droit international autorise les États à passer outre les brevets, d’autres limitations comme « le secret des affaires », les « périodes de protection complémentaires » ou encore les « extensions/validations » de brevets sont souvent imposées par les États-Unis, l’Union européenne, la Grande-Bretagne ou le Canada.
Barr al Aman Research Media s’est penché sur les obstacles d’accès aux soins dans son dossier sur l’accord de libre-échange complet et approfondi (ALECA) négocié entre la Tunisie et l’Union européenne, mais aussi plus récemment avec la couverture de l’assemblée mondiale de la santé en mai 2019 à Genève.
Pour plus de détails, contactez : Mohamed Haddad +216 22 517 354